Divertissement,
du latin « divertere », détourner de, faire diversion.
Nul
besoin de faire appel aux statistiques pseudoscientifiques si chères aux tenants
de l’ingénierie sociale[i],
pour affirmer que le monde du travail n'offre, dans une immense majorité des
cas, qu'une infime possibilité d'épanouissement personnel et social profond. Du
cérébral bridé par la tyrannie de la pensée unique, au travailleur manuel enclavé dans la
sphère infernale des tâches répétitives au nom de la division du travail, en
passant par l'employé du tertiaire, esclave d'un nouveau genre des superpuissances planétaires, personne n’y échappe. Quiconque s'affirmerait
satisfait de l'"esprit corporate" serait à nos yeux, sinon insensé,
au moins fortement soupçonné d’être un imbécile heureux.
C'est
de cet usine à désespoir conçue par des experts économistes antithéistes
idéologues humanistes persuadés de sauver l'humanité entière de l'obscurantisme[ii]
que naquit la gigantesque industrie du divertissement, revers de la croissance
et du productivisme à marche forcée. Subterfuge visant à faire oublier à
l' "homo œconomicus" son statut de vache à lait du
matérialisme.
Consommation
de loisirs raffinés afin de ne pas démoraliser la force de travail pour l'actif et/ou aisé, consommation de loisirs vulgaire afin d’annihiler les fonctions
cognitives de l’inactif et/ou du pauvre. Concaténation systémique diaboliquement efficace.
L'art
de la diversion, originairement pensé comme un segment de marché spécifique :
sport de masse, tourisme de masse, musique de masse, littérature de masse… Ne peut plus désormais se concevoir comme une soupape de décompression clairement identifiable. Le voilà
qui investit tous les domaines de la vie humanoïdale pour mieux les pervertir.
En
effet, le paradigme moderne étant une gigantesque tromperie[iii],
toutes nos activités extra-professionnelles ou autres temps libres sont
désormais entièrement dédiés à un objectif précis : nous faire oublier que nous
vivons d'une manière totalement contre-nature, pour ne pas dire contre l’ordre
divin lui-même. Plus subtil encore, nous persuader que la tromperie est en
réalité le meilleur des mondes possibles.
Art,
politique, philosophie, esprit, corps, espace et temps n'ont désormais d'art, de
politique, de philosophie, d'esprit, de corps, d'espace et de temps que les noms
et les apparences. N’étant plus au service du juste, du beau et du vrai, ils ne
sont plus que de misérables expédients.
Non content
de devoir évoluer au milieu de ce grossier ersatz de culture, nous sommes
instamment invités à l’aimer, sous peine de passer pour asociaux et intolérants.
A peine émettrions-nous un doute sur le réel potentiel subversif ou artistique des œuvres de vedettes les plus en vue (nous ne visons aucun domaine en particulier), susurrerions-nous une réserve quant à la
propagande de tel parti politique (celui qu’il vous plaira), chuchoterions-nous
la possible remise en question d’une théorie scientifique douteuse, oserions-nous
affirmer en public que le socle de la famille est composé d’un homme et d’une
femme que nous voilà coupable d’un blasphème insupportable passible d’excommunication
mondaine. Nous sommes donc tenu d’adhérer à la doxa et de ne débattre que dans
les limites de plus en plus étroites imposées par nos illégitimes élites dans
leur immense mansuétude démocratique droit-de-l’hommiste, donnant ainsi à
monsieur tout-le-monde les insignes de superflic bénévole de la conscience[iv].
Si
par miracle l’un d’entre nous ressent en son for intérieur l’effroyable escroquerie
et refuse de jouer le jeu ou si par le plus grand des malheurs l’estomac
prolongé par un sexe[v] se
mettait à douter du bien fondé de l’abscence de transcendance ou de la
pertinence des représentations communes de la réalité[vi],
le voilà psychanalysé, coaché, médicamenté, remis dans le droit chemin par une
pression sociale de plus en plus impitoyable. A grand renfort d’alcool, de
beats débilisants, d’experts ignorants, de modèles humiliants, de naturalisme fumeux,
la vision moderne du monde se fraye inlassablement un chemin dans nos cœurs atrophiés.
Cette
quête perpétuelle de bonheur au rabais et d’originalité à tout prix n’est autre
que l’individualisme, l’une des nombreuses divinités du monothéisme du marché (comme aimait à le nommer le regretté Roger Garaudy),
celle-là même qui de son chant de sirène suraigu nous convainc que le but de toute existence est d’en profiter au maximum avant de mourir
pour l’éternité comme les créatures hasardeuses et égoïstes issues de l’évolution
que nous devons nous persuader d’être.
Le
mot d’ordre est de nourrir à la fois notre égo et la finance internationale là
ou la métaphysique, et à défaut le simple bon sens, nous commande de tuer l’un
et l’autre.
Raphaël M.
[i]
L’exemple d’Alain Bauer, grand maître du grand orient de France de
2000 à 2003, spécialiste es-sécurité, nous semble suffisamment parlant.
[ii]
A ce sujet, Jean-Claude Michéa L’empire du moindre mal : essai sur la
civilisation libérale, Climats, 2007.
[iii]
Nous assumons le présupposé d’évoluer
dans la civilisation Antéchristique ou massih ad-dajjalistique.
[iv]
C’est d’ailleurs l’immense avantage des
démocraties parlementaires, qui n’ont de démocratie que le nom (nous les appellerions plus volontiers ploutocratie ou ochlocratie), par rapport aux systèmes totalitaires
plus directs.
[v]
Expression effroyablement parlante emprunté
à Pierre Hillard.
[vi]
Phénomène qui peut se traduire de
plusieurs manières : dépression, asociabilité, complotisme, rébellion,
conversion à une religion abrahamiques…
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