dimanche 24 février 2013

De l'affirmation selon laquelle la religion serait la cause de toutes les guerres




L’un des grands incontournables de la discussion d’incultes et de poivrots.

La difficulté à déconstruire un sophisme étant inversement proportionnelle à son degré de simplification mensongère et d’approximation, il ne s’agira pas ici d’épuiser le sujet.

Quelles seraient donc ces terribles religions causes de tous les tourments planétaires qui depuis la nuit des temps condamnent l’humanité à une lutte sanguinaire incessante ? Nous ne nous avancerons pas trop en prétendant que sont visés uniquement les monothéismes abrahamiques et plus particulièrement le christianisme et l’Islam. Il est assez important de le préciser car, en règle générale, l’individu capable d’énoncer un tel non-sens se montre étrangement bienveillant à l’égard de religions plus exotiques telles que le bouddhisme, l’hindouisme ou la pensée toltèque très à la mode ces derniers temps et nous ne nous prononcerons pas sur cette première contradiction qui mériterait à elle seule de plus larges développements.

Islam et christianisme, pensés comme un tout conceptuel, seraient donc LA cause de toutes guerres. Et donc, in extenso, s’en débarrasser une fois pour toute serait LA solution à tous nos problèmes.

Il parait déjà évident que l’athée ou l’agnostique « éclairé » convaincu d’une telle assertion ne pourra plus reprocher au croyant « obscurantiste et archaïque » de s’accrocher à une vision simpliste du monde (mais il est courant de reprocher aux autres ses propres travers et nous sommes ici en présence d’un exemple frappant de cette perpétuelle inversion accusatoire).

Du latin religare ou religere selon que l’on se fie à saint Augustin ou à Cicéron (la controverse étymologique pourtant intéressante sous certains rapports n’a pas lieu de se poser ici), le mot religion  évoque l’idée d’un liant permettant le vivre-ensemble et l’organisation de la cité. Elle prend dans toute société traditionnelle la forme de la transcendance. Une civilisation dépourvue de transcendance dans son organisation est-elle pour autant dépourvue de religion ? La réponse à cette question est assurément non. Ce sera simplement une religion sécularisée et sans vouloir prétendre définir exhaustivement ce qu’est la religion moderne séculaire nous pouvons néanmoins en extraire un certains nombre de dogmes : la prééminence de l’économique, les mythes de la croissance et du marché, le divertissement[i], la théorie de l’évolution, la supériorité de la démocratie représentative sur tout autre régime, le culte de la raison, les droits de l’homme, etc.

Celui qui proclame sans trembler que la religion de l’autre est responsable de tous les malheurs admet donc implicitement qu’il ignore posséder lui-même une religion. Il démontre donc qu’il est dans un état effarant d’aliénation. Si le croyant ne discute pas de ses convictions car les considère comme révélées et donc supra-humaines, l’incrédule est ignorant de la source de ses idées, et croit donc penser et réfléchir par lui-même là où des forces dont il ignore jusqu’à l’existence pensent à sa place depuis que l’arrière grand-père de son arrière grand-père n’était encore qu’un nourrisson. Terrible illusion. Les religions traditionnelles ont au moins l'honnêteté de se présenter pour ce qu’elles sont.

Le croyant, perpétuellement invité à remettre en cause sa doctrine, se voit donc traité de façon détournée mais néanmoins extrêmement violente d'extrémiste, et donc de salaud, et donc de fasciste, et donc de nazi antisémite tueur d’enfants et donc in fine assimilé au diable lui-même (Hitler étant la personnification du mal dans la religion moderne, la reductio ad hitlerum est de facto l’accusation d’hérésie la plus courante). Accusation portée par un interlocuteur qui n'appliquera pas à lui-même cette injonction de douter de ses propres fondements.

Mais qui en dernière instance fait la guerre ? Les êtres humains. Les religions étant des systèmes de représentations, elle ne prennent pas seules les armes. Au mieux pourrions-nous dire que certains hommes convaincus d’un système de représentations font la guerre.

Et qu’est-ce que la guerre ? Si l’exemple du conflit armé en est l’illustration la plus vulgaire et la plus effrayante, elle peut prendre bien d’autres formes plus subtiles[ii], le but étant toujours la conquête ou la préservation soit des territoires soit des esprits ; elle peut avoir en fonction de ses finalités un but qui peut être au choix noble ou crapuleux. Elle peut également sous des motifs nobles cacher un motif crapuleux (l’inverse me semble plus rare historiquement). Tous les schémas sont possibles. Le combat pour défendre sa vie, sa famille, sa culture et son âme est en soi une saine réaction de survie. Le massacre consistant à piller et à dominer indûment une population civile sans défense est une abomination. Entre le tout blanc et le tout noir, de multiples nuances de gris. De quelle guerre parle-t-on ? L’athée militant convaincu ne le précise jamais, pour lui « la guerre c’est mal », un point c’est tout.

Ainsi les raisons profondes de tous conflits sont inextricables et appartiennent en propre à chacun même si certains motifs se répetent. Les déterminer avec précision est censément le travail des historiens honnêtes[iii].

Poussons à présent l’analyse de cet anathème dans ses retranchements et ses subtilités.

Le christianisme et l'Islam sont des religions qui ont pour finalité la soumission à Dieu, le salut de l’âme, l’élévation de l’Homme au-delà de sa condition animale. Schématiquement. Les monothéismes n’ont pas pour but d’asservir l’humanité par la violence et le mensonge (à l’exception du judaïsme talmudique – et non du judaïsme originel - en raison de l’idée messianique tronquée qu’il renferme, mais la question ne se pose encore pas lorsque l’athée aliéné est également un partisan d’Israël, le judaïsme n’étant plus selon lui LA cause de toutes les guerres mais LA victime expiatoire éternelle de toutes les guerres). Si une horde de fanatiques venait à y trouver la légitimation de la violence dans l’unique but de semer le chaos (et loin de nous l’idée de prétendre que cela n’arriva jamais ou ne se produit en ce moment même), nous pourrions aisément affirmer qu’il s’agit là d’une dénaturation des principes. Le mal est donc la cause d’une incompréhension, d’une manipulation ou d’une inversion.

A contrario, la religion moderne séculière posant en principe que le commerce est l’unique dénominateur commun permettant la Paix entre tous les hommes[iv]. Que ce commerce doit s’exercer dans une société démocratique (ou dans un système tyrannique dans sa version stalinienne[v]). Que la croyance de chacun doit rester dans la sphère privée et que dans la sphère publique le bonheur et la vérité passent par la production et la consommation. Schématiquement. Nous sommes donc en présence d’un pragmatisme purement matérialiste. Dès lors, la matière étant un autre mot pour la quantité, et la quantité ayant pour unique but de s’étendre à l’infini[vi] (croissance), et que cette extension à l’infini se faisant par la technologie civile et militaire et par le prosélytisme (on l’appellera communication ou propagande selon qu’on soit libéraliste ou communiste, là encore peu importe), la religion moderne est donc intrinsèquement source de guerre. Elle a produit et tué plus d’êtres humains en deux siècles que toutes les civilisations et guerres du passé réunies[vii]. Les chiffres sont probants. Troisième extraordinaire contradiction. On pourrait en trouver bien d’autres.

Puisque la bêtise d’une telle proposition est insondable, laissons celui qui aura l’outrecuidance de la prononcer en public  - persuadé d’avoir résolu le grand mystère de la vie et de surclasser en intelligence la somme de tous les milliards de terriens superstitieux qui l’auront précédé - se pavaner. Au moins nous savons à qui nous avons affaire. Les règles élémentaires de la  discussion mondaine ne permettent pas de le contredire efficacement. Il lui reste la curiosité de s’instruire et l’humilité, deux vertus qui ne s’acquièrent que par la volonté.

Raphaël M.





[i] Voir à ce sujet notre précédent article de l’art de la diversion en date du 18 juillet 2013

[ii] Il suffit pour s’en convaincre de lire Sun Tzu L’art de la guerre ou Les 36 stratagèmes, manuels étudiés dans toutes les bonnes écoles militaires et par tout politicien en devenir (pour les plus cultivés).

[iii] Pour exemple Jacques Bainville Histoire de France

[iv] Voir par exemple Adam Smith De la richesse des nations. Cette croyance est à la base même de toute la pensée économique libérale. Ainsi pourrait-on faire un parallèle entre la religion traditionnelle qui voit comme point commun à tous les hommes le supra humain, et la religion moderne qui envisage comme dénominateur commun des éléments infra-humains. Religion par le haut et religion par le bas. Religion céleste et religion satanique.

[v] Le communisme et le libéralisme n’étant pas du tout envisagé ici comme deux systèmes opposés mais bien des modes de pensée très voisins basés sur la prééminence du facteur économique. Seules diffèrent les solutions permettant d’encadrer cet état de fait. Libre jeux du marché d’un côté (même si c’est très loin d’être le cas en réalité), contrôle total de la production par un pouvoir totalitaire direct de l’autre. Ils sont à notre point de vu des frères jumeaux ennemis mais nous n’avons pas le loisir ici de nous pencher d’avantage sur cette question au demeurant primordiale. Le communisme étant envisagé comme une solution au capitalisme de marché et inversement, la religion moderne produit sa pensée et sa contre-pensée, enfermant ainsi dans une dialectique dont il devient très compliqué de sortir

[vi] On peut voir ici une illustration du mythe d’Abel et Caïn. Caïn étant envisagé comme le sédentaire qui par sa captation de l’espace tue nécessairement Abel, le nomade, qui évoluerait lui plutôt dans le temps

[vii] Ceux qui penseraient encore que « la guerre contre le terrorisme » est une guerre contre l'extrémisme islamique, qu’ils se contente de lire Samuel Hungtington Le choc des civilisations, les indéboulonnables de la géopolitique américaine sont loin de cacher leurs stratégies.

lundi 18 février 2013

De l'art de la diversion



Divertissement, du latin « divertere », détourner de, faire diversion. 

Nul besoin de faire appel aux statistiques pseudoscientifiques si chères aux tenants de l’ingénierie sociale[i], pour affirmer que le monde du travail n'offre, dans une immense majorité des cas, qu'une infime possibilité d'épanouissement personnel et social profond. Du cérébral bridé par la tyrannie de la pensée unique, au travailleur manuel enclavé dans la sphère infernale des tâches répétitives au nom de la division du travail, en passant par l'employé du tertiaire, esclave d'un nouveau genre des superpuissances planétaires, personne n’y échappe. Quiconque s'affirmerait satisfait de l'"esprit corporate" serait à nos yeux, sinon insensé, au moins fortement soupçonné d’être un imbécile heureux.

C'est de cet usine à désespoir conçue par des experts économistes antithéistes idéologues humanistes persuadés de sauver l'humanité entière de l'obscurantisme[ii] que naquit la gigantesque industrie du divertissement, revers de la croissance et du productivisme à marche forcée. Subterfuge visant à faire oublier à l' "homo œconomicus" son statut de vache à lait du matérialisme.

Consommation de loisirs raffinés afin de ne pas démoraliser la force de travail pour l'actif et/ou aisé, consommation de loisirs vulgaire afin d’annihiler les fonctions cognitives de l’inactif et/ou du pauvre. Concaténation systémique diaboliquement efficace.

L'art de la diversion, originairement pensé comme un segment de marché spécifique : sport de masse, tourisme de masse, musique de masse, littérature de masse… Ne peut plus désormais se concevoir comme une soupape de décompression clairement identifiable. Le voilà qui investit tous les domaines de la vie humanoïdale pour mieux les pervertir.

En effet, le paradigme moderne étant une gigantesque tromperie[iii], toutes nos activités extra-professionnelles ou autres temps libres sont désormais entièrement dédiés à un objectif précis : nous faire oublier que nous vivons d'une manière totalement contre-nature, pour ne pas dire contre l’ordre divin lui-même. Plus subtil encore, nous persuader que la tromperie est en réalité le meilleur des mondes possibles.

Art, politique, philosophie, esprit, corps, espace et temps n'ont désormais d'art, de politique, de philosophie, d'esprit, de corps, d'espace et de temps que les noms et les apparences. N’étant plus au service du juste, du beau et du vrai, ils ne sont plus que de misérables expédients.

Non content de devoir évoluer au milieu de ce grossier ersatz de culture, nous sommes instamment invités à l’aimer, sous peine de passer pour asociaux et intolérants. A peine émettrions-nous un doute sur le réel potentiel subversif ou artistique des œuvres de vedettes les plus en vue (nous ne visons aucun domaine en particulier), susurrerions-nous une réserve quant à la propagande de tel parti politique (celui qu’il vous plaira), chuchoterions-nous la possible remise en question d’une théorie scientifique douteuse, oserions-nous affirmer en public que le socle de la famille est composé d’un homme et d’une femme que nous voilà coupable d’un blasphème insupportable passible d’excommunication mondaine. Nous sommes donc tenu d’adhérer à la doxa et de ne débattre que dans les limites de plus en plus étroites imposées par nos illégitimes élites dans leur immense mansuétude démocratique droit-de-l’hommiste, donnant ainsi à monsieur tout-le-monde les insignes de superflic bénévole de la conscience[iv].

Si par miracle l’un d’entre nous ressent en son for intérieur l’effroyable escroquerie et refuse de jouer le jeu ou si par le plus grand des malheurs l’estomac prolongé par un sexe[v] se mettait à douter du bien fondé de l’abscence de transcendance ou de la pertinence des représentations communes de la réalité[vi], le voilà psychanalysé, coaché, médicamenté, remis dans le droit chemin par une pression sociale de plus en plus impitoyable. A grand renfort d’alcool, de beats débilisants, d’experts ignorants, de modèles humiliants, de naturalisme fumeux, la vision moderne du monde se fraye inlassablement un chemin dans nos cœurs atrophiés.

Cette quête perpétuelle de bonheur au rabais et d’originalité à tout prix n’est autre que l’individualisme, l’une des nombreuses divinités du monothéisme du marché (comme aimait à le nommer le regretté Roger Garaudy), celle-là même qui de son chant de sirène suraigu nous convainc que le but de toute existence est d’en profiter au maximum avant de mourir pour l’éternité comme les créatures hasardeuses et égoïstes issues de l’évolution que nous devons nous persuader d’être.

Le mot d’ordre est de nourrir à la fois notre égo et la finance internationale là ou la métaphysique, et à défaut le simple bon sens, nous commande de tuer l’un et l’autre.

Raphaël M.



[i] L’exemple d’Alain Bauer, grand maître du grand orient de France de 2000 à 2003, spécialiste es-sécurité, nous semble suffisamment parlant.

[ii] A ce sujet, Jean-Claude Michéa  L’empire du moindre mal : essai sur la civilisation libérale, Climats, 2007.

[iii] Nous assumons le présupposé d’évoluer dans la civilisation Antéchristique ou massih ad-dajjalistique.

[iv] C’est d’ailleurs l’immense avantage des démocraties parlementaires, qui n’ont de démocratie que le nom (nous les appellerions plus volontiers ploutocratie ou ochlocratie), par rapport aux systèmes totalitaires plus directs.

[v] Expression effroyablement parlante emprunté à Pierre Hillard.

[vi] Phénomène qui peut se traduire de plusieurs manières : dépression, asociabilité, complotisme, rébellion, conversion à une religion abrahamiques…

vendredi 15 février 2013

Projets et objectifs des "chroniques kaliyugesques". De l'âge de fer à l'âge d'or.



Le monde chute, inexorablement.

Processus d'involution dont le stade ultime se nomme kaliyuga (qui signifie littéralement  "l'âge de fer") dans la tradition hindou, phénomène reconnu par toutes les traditions humaines empruntes d'orthodoxie, il se caractérise par une inversion des valeurs généralisée, un renversement de tous les principes.

L'âge de fer n'a pas vocation à durer éternellement, il s'achèvera par "l'apocalypse", grand dévoilement spirituel qui accouchera d'un nouvel âge d'or, période d'ordre et de bonheur universel. Chrétiens et musulmans s’accordent pour affirmer que cela correspond au retour de Jésus sur terre.
Quand ? Il n'appartient à personne de le dire. Quiconque se prononcerait sur cette question serait d'ailleurs assurément un charlatan.

A l'instar des prophètes et des grands auteurs qui nous ont inspirés et guidés, nous affirmons que l'humanité traverse depuis maintenant des millénaires cet âge noir (d’aucun parle de 6000 ans et font remonter ses origines aux révélations abrahamiques[i]) ; qu'il est à un stade si avancé que nous pouvons affirmer sans frémir être désormais dans "l'âge noir de l'âge noir", omniprésent, suffocant et pourtant plus dur à discerner pour le commun des mortels qu' "une fourmi noire sur une pierre noire dans la nuit noire"[ii]. Noirceur sur noirceur, abysse sur abysse. Beaucoup de nos contemporains, désabusés, déspiritualisés, machinifiés, englués dans un matérialisme toujours plus vulgaire, ne peuvent prendre pleinement conscience d'un état de fait de plus en plus en plus évident aux yeux de ceux qui ont déchirés le voile du mensonge et de la tromperie.

Négation du divin, chosification du monde, assèchement de l'âme et des cœurs, promotion du vice et des médiocres.. Les exemples pullulent, tant et tant. Peut-il être question d'un redressement ? Nous pensons que c'est impossible. Est-ce une raison pour ne pas se battre ? Certainement pas, la lutte est une fin en soi. Comment se battre ? Nous affirmons que le combat consiste à sauver son âme, sauvegarder ce qui peut l'être, chercher la vérité où qu'elle puisse se trouver, à ne faire aucune concession au mal puisque nous sommes condamnés à vivre au milieu de lui.

Désespérer est une faute. La chute de l'humanité fait partie d'un plan divin et parfait. Le désordre n'est qu'apparent, car envisagé dans une perspective plus large, il est absolument et définitivement dans l'ordre des choses. Vivre dans une période d'accélération de l'histoire si époustouflante peut même être envisagé comme une chance unique : prendre conscience de la turpitude et la dégénérescence d'un monde perverti et s'en détourner dans la mesure de nos moyens n'équivaut-il pas à mille ans de prières dans un monde édénique ? Nous pensons sincèrement que c'est en effet le cas.

Quel peut alors être le contenu d'un blog internet aux contours si vagues et si synthétiques ?

Dénicher l’escroquerie dans ses moindres recoins, désacraliser les charlatans, profondeur et gaudriole, il y aura de tout « dans mon machin »[iii].

Raphaël M.



[i] Cf. Formes traditionnelles et cycles cosmiques, René Guénon.
[ii] Parole attribuée au dernier prophète de l’Islam concernant l’associationnisme de la fin des temps (hadith).
[iii] En référence à la fameuse lettre de Louis Ferdinand Céline à son éditeur.