Anthony Robbins, pape du coaching américain, exhortant son public
à conserver sa "positive attitude" de "winners" au milieu
de l'Enfer (tableau de Gustave Doré inspiré de l'Enfer de Dante)
Il n’est désormais plus possible de ne pas
avoir entendu parler du coaching tant
cette discipline s’est développée en France au cours des trente dernières
années. Et Pourtant, beaucoup semblent ignorer les tenants et les aboutissants
d’une pratique qui a vocation à toucher de plus en plus de personnes, et ce
dans le monde entier.
Il nous est
donc apparu absolument nécessaire de traiter - de manière certes trop succincte
pour un sujet qui mériterait un ouvrage entier -, dans un même article, de la définition, de l’origine
et de la « philosophie » ou « doctrine » de cette nouvelle
forme de « thérapie de l’âme ». De surcroît, nous ne pouvions ne pas évoquer son
utilisation par les mouvements sectaires, et qui servira d’illustration à notre
propos. En effet, le coaching (ou développement personnel) doit être envisagé sous tous ses aspects
afin de pouvoir être appréhendé par le profane qui pourrait être tenté d’y voir
seulement un moyen de « se sentir mieux », sans être en mesure de
percevoir, derrière l’apparence inoffensive et positive du phénomène, sa
profonde dangerosité.
Définition du coaching
Le coaching, vocable emprunté au domaine
sportif mais avec lequel il ne se confond nullement, consiste en un
accompagnement personnalisé visant à améliorer les performances et le
« bien-être ». Les termes de développement personnel ou DevPers
recouvrent la même réalité et devront être tenus, dans le reste de notre
démonstration, comme parfaitement synonymes.
Circonscrit
dans un premier temps au domaine du management et de l’entreprise, le coaching a désormais tendance à investir
l’ensemble des activités humaines (ce que certains auteurs ont appelé
« l’extension du domaine du coaching »).
Il est en
effet possible de louer les services d’un coach afin de faire face à de
multiples problématiques des plus courantes : arrêter de fumer, surmonter un
deuil ou un divorce, séduire, vaincre sa timidité, préparer un entretien,
appréhender une reconversion professionnelle… La liste n’est évidemment pas
exhaustive. Le praticien ne se
contentera pas alors de résoudre la situation de manière ponctuelle, mais
délivrera un enseignement visant à la réalisation
de soi et au bonheur dans tous
les aspects de l’existence.
Enfin, il
convient de bien avoir à l’esprit qu’il n’existe qu’une forme de Devpers même si celui-ci peut revêtir
différentes apparences de surface. La « philosophie » coaching a un succès phénoménal
auprès des professions paramédicales par exemple, c’est pourquoi il n’est pas rare
qu’une multitude de disciplines, telles que la psychothérapie, l’hypnose, la
médecine chinoise, le yoga, la chiropractie, le bouddhisme, le sport ou tout
autre chose encore puissent servir d’accroche à son enseignement. Le corps
de la pseudo-doctrine du coaching,
que nous envisagerons dans un instant, se cache sous des apparences diverses et
variées et il n’est pas possible de comprendre cette unité dans la multitude
lorsque l’on ignore que le développement personnel procède en réalité d’une
origine unique.
Figure emblématique de la discipline coaching : le cadre dynamique et épanoui
Ici, la figure du de l'homme
successfull, récompensé de son attitude par l'argent
Archétype de l'imagerie coaching dans
sa variante "totale harmonie avec son corps"
Utilisation par le DevPers de la
représentation d’une méditation de type « bouddhique »
Origine du coaching
Le coaching
est une pure émanation de la mouvance New Age. Cette
« nébuleuse » mystico-sociale, née dans les années 60 à Esalen en Californie, peut se comprendre
comme une fusion de mouvements « spirituels » épars, parmi lesquels le Théosophisme d’Helena Blavatski ou bien encore Le jardin écossais. Préside également à l’édification de cette
pensée la récupération des travaux de Carl
Gustav Jung, dont les théories vont servir de fondement au développement
personnel actuel[1] (se
connaître, valoriser ses talents et potentiels, travailler à une meilleure
qualité de vie et à la réalisation de ses aspirations et de ses rêves).
Dans la
grande ferme de Big Sur, siège de la
mouvance, se croisaient pèle-mêle psychothérapeutes, artistes et scientifiques,
principalement spécialisés dans l’étude
des comportements et du cerveau. Tous se passionnaient pour les écrits d’Alice
Bayley et la consommation effrénée de LSD (entre autres). Parmi eux, Richard Bandler
et John Grinder, inventeurs de la programmation neurolinguistique (ou PNL)[2]
que chaque coach se doit de maîtriser. Etaient également présents à ces
réunions Abraham Maslow (la pyramide de Maslow est un must dans l’univers du management) et Carl Rogers, références
incontestables pour la profession coaching.[3]
Il ne nous
est malheureusement pas possible d’étudier plus en détails les origines de la
mouvance New Age, ce qui ne manquerait certainement pas
d’intérêt pour en démontrer la malhonnêteté, néanmoins, le lecteur désireux
d’aller plus loin trouvera en annexe
tous les éléments nécessaires.
Helena Blavatsky, fondatrice de la
théosophie
Carl Gustav Jung, notamment inspirateur
de la mouvance New Age
Pseudo-doctrine du coaching
Les initiateurs
de la « philosophie » New Age
se proposaient de changer le monde, en transformant la psyché des individus (la
création d’un « homme nouveau » est une constante de toutes les
pensées totalitaires), afin de préparer la transition entre l’ère du poisson et
l’ère du verseau[4]. Ce
faisant, nous pouvons déjà constater qu’ils maniaient d’une manière
profondément maladroite des données traditionnelles inspirées de l’astrologie dont
ils ne connaissaient absolument rien, sur lesquelles nous ne pouvons nous
permettre de revenir, préférant renvoyer le lecteur aux excellents ouvrages de
René Guénon, Le théosophisme et L’erreur spirite[5],
dans lesquels sont détaillées et démenties par le menu les élucubrations de ces
occultistes de pacotille.
Il faut
comprendre qu’il s’agit d’une « religion », centrée sur
l’individualisme, parfaitement compatible avec la modernité et plus
particulièrement avec le modèle ultralibéral.
Trois
principes fondamentaux irriguent l’ensemble de la pensée New Age en général et celle du développement personnel en
particulier : la transformation de
soi, le syncrétisme et le relativisme.
La transformation de soi consiste à se mettre au diapason de la
transformation globale. Les techniques permettant d’opérer cette mutation sont
dites de « subjectivation ».
Le syncrétisme, constante absolue de toutes les
spiritualités dites « postmodernes », est une conséquence du passage
de la croyance de la sphère publique à
l’intimité de la vie privée. Il s’agit pour l’individu de composer sa propre spiritualité
en piochant çà et là les éléments qui semblent lui convenir. Ainsi le New Age consiste en une habile
articulation entre données scientifiques (principalement physique quantique,
cybernétique et psychologie mais on pourrait en trouver bien d’autres) et
concepts spirituels (méditation, yoga, bouddhisme, christianisme… là encore
tout est possible). C’est pourquoi le New
Age se prête à toutes les techniques en accord avec cet holisme syncrétique
telles que la PNL, la relaxation, la méditation, le rebirth et l’hypnose pour
ne citer que celles-là. C’est aussi en raison de ce syncrétisme que le coaching
peut prendre des formes si variées : sport, management, psychologie,
techniques de communications interpersonnelles… Cette utilisation de données
traditionnelles par ceux-là mêmes qui étaient les moins aptes à en saisir le
sens (soit l’américain jouisseur des années 60) est à l’origine
d’interprétations purement fantaisistes qui pourraient éventuellement être
comiques si elles n’avaient pas une telle influence.
Le relativisme enfin, qui est à notre avis le nœud du
problème (et qui a semble-t-il conquis la planète entière), est l’idée selon
laquelle chacun de nous aurait sa propre réalité, mais encore que chacun de
nous serait en mesure de créer sa propre réalité et d’en poser arbitrairement
les critères et les lois. De ce relativisme personnel découle un relativisme
moral, qui consiste en une acceptation inconditionnée des systèmes de réalité
que chaque individu se sera créés (une absence d’esprit critique sur laquelle
nous allons revenir). D’où l’impossibilité, pour un adepte du New Age, de se poser en juge d’autrui
(le fameux : « comment oses-tu juger les autres ? » que
l’on entend tout le temps) à une exception notable et systématique : il
est obligatoire de juger négativement celui qui se refuse à adopter une telle
posture ; cela explique pourquoi les gens censément tolérants sont en
réalité les plus intolérants qu’il soit possible de concevoir.
De l’articulation
de ces 3 principes fondamentaux du New Age
- et donc par extension du DevPers - découlent deux corollaires
dont l’étude ne peut-être ignorée : la tendance à un déterminisme absolu et l’exhortation à quelque chose que nous
nommerions volontiers positivisme si l’expression n’était pas déjà prise et que
nous appellerons par défaut « la
positive attitude ».
Le déterminisme absolu pour commencer : L’Etre étant invité à
se transformer pour s’adapter au monde et chacun étant en mesure de créer sa
propre réalité, dès lors, il n’existe plus de problème en soi et ne subsistent
que des problèmes personnels que le coaché devra résoudre en éloignant de lui
les pensées « déviantes » qui le bloquent dans son développement et
donc l’éloignent de la réussite, envisagée uniquement comme le succès dans le
domaine professionnel. Afin de parvenir à cet objectif démentiel et égoïste de
réussite au rabais, le « patient » devra répéter un certain nombre de
formules, dont le fond est toujours ultra déterministe (« réussir, c’est
croire en sa réussite » ; « échouer, c’est la peur d’échouer » ;
« fais de ton rêve un objectif et il se réalisera » ; « il est possible de réaliser ses rêves
par la seule force de sa volonté », etc.), empruntées aux papes du coaching américain et que ces derniers
déclament devant des foules toutes
acquises à leur cause à l’occasion de représentations démesurées (les coachs
français ne sont jamais que des représentants de ces vedettes du DevPers). La justification de cette
pensée magique s’appuie sur le modèle
Switch ou la méthode Coué et
s’inspire très largement des mantras,
méthode dérivée de l’hindouisme permettant d’accéder à la béatitude, là où le
coaching permet seulement d’atteindre, à notre avis, la « bêtitude »
la plus profonde.
La « positive attitude » enfin est
là encore une conséquence du relativisme et de la transformation de soi en ce
sens que le sujet doit faire abstraction des conditions de sa réalisation et
appréhender la réalité de manière à être « heureux ».
.
Anthony Robbins, super star du DevPers (il prétend avoir guéri d’une
tumeur au cerveau par la seule force de sa volonté), nous gratifiant d'un
discours lénifiant et sans aucun sens. Image qui se partage beaucoup sur Facebook
entre adeptes du coaching
Autre monstre sacré du coaching et exemple de discours ultra déterministe.
L'homme est connu pour ses liens d’amitié avec Donald Trump
Non content de répéter comme des
mantras les phrases creuses des gourous du DevPers,
les coachs aiment également reprendre des citations d'hommes célèbres afin de s’approprier
leur aura. Il s’agit en général de phrases creuses et sorties de leur contexte.
Ici Mohamed Ali, musulman, ultra engagé politiquement, objecteur de conscience
durant la guerre du Viêt-Nam. Apprécie-t-il de servir de porte drapeau au
syncrétisme et au relativisme du New-Age, la réponse est évidemment non.
Même chose avec Albert Einstein. Lui
qui en son temps remit en cause l'ordre de l'univers, est-il un bon exemple de développement personnel ? L'acceptation
d'idées toutes faites n'étant pas à notre avis sa passion, il convient de
répondre encore une fois par la négative.
Interrogeons-nous désormais sur le mystérieux succès de cette sous-spiritualité confuse, dans une époque où la transcendance est rejetée de toute part ; et les raisons de son incroyable popularité, par l’étude de ses objectifs.
Les objectifs du coaching
Il apparaît
d’ors et déjà que le New Age, et son
bras armé le coaching, sont en totale
adéquation avec le système ultralibéral comme nous l’avons vu précédemment. Son
objectif est donc de créer un être qui parvient à s’accommoder au capitalisme
de marché, trouvant en celui-ci les moyens de sa réalisation personnelle et de
son bien-être, et tenant cette pseudo-réussite pour un accomplissement d’ordre
spirituel.[6]
Afin de bien
comprendre ce que nous entendons par là, nous évoquerons deux aspects négatifs
du monde moderne et les moyens par lesquels le coaching se propose de les appréhender, à savoir, la perte de sens
des « métiers » et la misère des relations humaines.
Sur les
conditions de travail pour commencer.
Le travailleur
ancien était appelé au Moyen-Âge l’artifex.
Il est une constante des civilisations anciennes que le métier permettait de
participer à la Tradition à tel point que l’on a pu dire que « chaque
occupation est un sacerdoce ». Le métier est conçu alors comme la
manifestation et l’expansion de la nature de celui qui l’exerce, qui est tout à
la fois l’artisan et l’artiste[7].
A l’inverse, le travailleur moderne doit faire face à un « désenchantement
du monde », pour reprendre l’expression du sociologue allemand Max Weber.
Les phénomènes de technicité accrue, de spécialisation et de taylorisme dépossèdent
le travailleur du sens de son activité. Ce constat est encore plus vrai dans le
cadre d’une économie postindustrielle ou le domaine du tertiaire explose. Les
individus sont devenus des unités numériques parfaitement interchangeables.
Cette
situation, à l’origine d’un profond mal-être, et dont les suicides anomiques ne
sont que l’illustration la plus éclatante[8],
doit être absolument niée par le sujet coaché. De tels questionnements sont
pour le New Age des comportements
totalement négatifs. Le coaché devra se transformer lui-même afin de s’adapter
au monde extérieur, lever ses appréhensions en modifiant la manière dont il
perçoit la réalité. Il faudra donc faire abstraction de cette perte de sens
réelle afin de la remplacer par une nouvelle quête de sens qui est,
sempiternellement, dans le cadre du DevPers,
la réussite et la fortune. Peu importe les circonstances externes, il faut se
réaliser (dans un sens purement matériel évidemment) à tout prix.
Concernant
les relations humaines.
Le monde
moderne est profondément individualiste. La disparition d’une certaine forme de
solidarité et le culte du Soi sont à l’origine d’une grande misère affective et
amoureuse. Pour le coaching, là
encore, nos déceptions dans ce domaine proviennent non pas des autres mais de
nous-mêmes. Il s’agira dès lors d’envisager l’autre comme un moyen de parvenir
à nos fins. C’est d’ailleurs toute la philosophie du PNL : en observant le
comportement de notre interlocuteur, il est possible d’influencer ses réponses
et d’obtenir ce que nous voulons de lui, c’est-à-dire toujours notre réussite
professionnel et le « bonheur ». Si la manipulation psychologique ne
fonctionne pas, il suffira d’écarter cet autre de ses projets, de la même manière
qu’il faut éliminer toutes les pensées et tous les discours « déviants
» qui entravent la « réussite », graal absolu du coaching. De
là des relations humaines totalement calquées sur le modèle du marketing et de
la vente, et entièrement dénuées de spontanéité et de vérité.[9]
Nous
constatons que cet état d’esprit parfaitement novateur, comme il n’en a
absolument jamais existé, fondé sur des formules toutes faites et une macédoine
de techniques disparates pseudo-scientifiques, est en définitive un processus
de déshumanisation permettant à l’individu d’être en conformité aux besoins de
l’entreprise moderne. Il constitue une médicalisation et une
professionnalisation de l’existence. C’est pourquoi certains commentateurs
n’hésitent pas à parler, à juste titre, de « bien-être totalitaire »[10].
L’humain doit augmenter sa rentabilité
comportementale.
Profitant de
l’absence de repères spirituels et moraux, le coaching s’insinue dans la société, et lui substitue une vision amoindrie
du bonheur et de l’accomplissement. Sur le modèle du sportif, animal humain
ayant développé au maximum sa force musculaire et qui est le héros éternel des
mondes décadents, chacun de nous doit désormais rayonner du soir au matin,
comme si la vie était une compétition. Il n’est d’ailleurs pas anodin de
constater que l’archétype de l’Homme accompli, s’il est encore possible de
parler d’Homme (sous-homme serait plus adapté), est celui du
« winner » : costume impeccable, muscles bodybuildés et sourire
carnassier.
Pour
résumer, le coaching tend à l’avènement
d’un être dénué d’esprit critique, devenant parfaitement adapté à une
superstructure déshumanisée, niant toute espèce de Réalité autre que la sienne et
qui n’envisage l’interaction humaine que comme un moyen de parvenir à ses fins,
que sont le bonheur et l’argent. On comprend dès lors mieux le succès d’une
telle religion dans un monde néolibéral. On comprend aussi pourquoi, dans une
société dont l’objectif est de crucifier toute forme de spiritualité, le New Age est porté au pinacle et fait
tant d’adeptes parmi les chefs d’entreprise, les hommes politiques et en règle
générale toutes les professions particulièrement destructrices pour le
vivre-ensemble, comme la spéculation boursière, la télévision… Mais au-delà de
cette clientèle fortunée, le New Age séduit beaucoup de petits étudiants
tendance baba cool, de jeunes cadres et de chômeurs.
Le DevPers est une aliénation de l’humain,
une religion ultra-simpliste, qui ne dit pas son nom et qui fait logiquement le
bonheur des mouvements sectaires de toutes sortes.
Chaîne de montage de l'Iphone 5. Illustration
de la "machinisation" de l'être humain. L'idéologie New Age et le
recours aux méthodes de coaching de l'entreprise Apple ne sont plus à démontrer
(que l’on songe seulement aux présentations de produits de Steve Jobs, surdoué
du marketing et du management élevé au
rang de prophète).
Image symbolisant le mal-être de
l'employé du tertiaire face au "désenchantement du monde".
L’utilisation du coaching par les mouvements sectaires.
Nous tenons,
avant d’aller plus avant dans notre démonstration, à opérer une distinction
entre sectes religieuses au sens premier du terme et sectes New Age.
Les sectes religieuses, quelle que soit la forme traditionnelle
qu’elles singent, ont toujours deux objectifs : le schisme[11]
ou l’enrichissement personnel, ou un subtil mélange des deux. Dans tous les
cas, ces sectes ne peuvent faire l’économie d’une hérésie, c'est-à-dire d’une
déviance des doctrines dont elles s’inspirent, et qui sont souvent des vérités
ésotériques incomprises.
Pour les sectes New Age, nul besoin
de créer une hérésie, leur pseudo-doctrine et déjà un prêt-à-penser pour toutes
les structures d’aliénation et le coaching est un moyen extrêmement efficace de
s’assurer des adeptes serviles.
Parmi ces
mouvements sectaires les plus célèbres nous pouvons citer la Scientologie, les Raëliens, le Mandarom (et
son messie cosmoplanétaire), la Grande
Fraternité Blanche et toute une constellation de mouvances sur le mode psy.
Nous renvoyons le lecteur désireux d’en savoir plus au rapport des commissions
d’enquête parlementaires sur les sectes en France datant de 1995[12]
qui, bien que d’une médiocre qualité au regard des moyens mis à la disposition
des parlementaires, a le mérite d’exister et ouvre en tout état de cause de
nombreuses pistes de réflexions.
Claude Vorilhon, alias Raël, grand
adepte du New Age. Sa secte (parfait
exemple de syncrétisme) est un mélange d'ufologie, de religion et de sciences
(on connaît sa passion pour le clonage) et a fait sa fortune. La plupart de ses
adeptes sont américains, population entièrement acquise à la religion du coaching.
Tom Cruise, célèbre scientologue,
parfait exemple de l'homme accompli selon la définition du DevPers.
Gilbert Bourdin, messie
cosmoplanétaire du Mandarom. Là encore un mouvement dans la plus pure doctrine New Age.
Si le
caractère sectaire de ces mouvances ne fait aucun doute et est d’ailleurs
considéré comme tel par les pouvoirs publics et la justice, il en est d’autres
qui, de par leur nature, sont beaucoup plus pernicieuses et sournoises, preuve encore
que le DevPers peut se cacher partout et nourrir tous les desseins.
Pour exemple
le MLM
(multi-level marketing), ou marketing par palier, plus connu sous le nom de
vente pyramidale et dont Wikipédia donne la définition suivante : « forme
d'escroquerie dans
laquelle le profit ne provient pas vraiment d'une activité de vente comme
annoncé, mais surtout du recrutement de nouveaux membres. Le terme pyramidal identifie le fait que
seuls les initiateurs du système (au sommet) profitent en spoliant les membres
de base. »
Outre le fait de faire miroiter des profits
que 99,9% des participants n’atteindront jamais, les systèmes de MLM motivent
leur force de vente par les méthodes du DevPers. En effet toute personne saine
d’esprit comprend aisément que le fait de recruter à l’infini de nouveaux
membres en faisant remonter les gains au sommet de la pyramide est non
seulement une escroquerie, mais n’a également aucun sens, sinon
l’enrichissement (puisque le produit que ces entreprises sont censées vendre
n’est qu’un prétexte à l’édification de la pyramide), si bien que 3 situations
doivent être envisagées :
- 1ère situation : la personne
se laisse convaincre par les démonstrations fumeuses des représentants de la
vente pyramidale, débourse la somme nécessaire pour devenir à son tour vendeur,
ne convainc personne, réalise qu’il s’est fait arnaquer et s’arrête. C’est
grâce au nombre considérable de ces personnes abusées que le système prospère.
Ils constituent le socle de la pyramide.
- 2ème situation : le vendeur
se rend parfaitement compte que le système est une escroquerie, il est donc par
définition lui-même un escroc et est complice des initiateurs de la pyramide.
Il est certes malhonnête mais n’est pas dupe de ses agissements et demeure
conscient de transgresser une norme fondamentale, à savoir l’interdiction du
vol.[13]
- 3ème situation : et c’est là
que l’analogie avec les mouvements sectaires prend tout son sens, le vendeur ne
cherche même pas à savoir si le système est une escroquerie ou pas, mais voit
seulement son intérêt et croit à l’argumentaire de la société, systématiquement
basé sur les présupposés totalement délirants du coaching.
Pour mieux
s’en convaincre, il suffit de se rendre sur les sites des revendeurs d’Organogold,
entreprise supposément de vente de café aux vertus thérapeutiques exceptionnels
(prévention du VIH , d’Alzheimer… ) et de lire leur argumentaire dont nous
avons sélectionné quelques extraits probants (ces extraits proviennent de
revendeurs indépendants mais ne varient pas d’un vendeur indépendant à l’autre,
il est en effet impossible d’accéder au site sans faire partie du
« réseau ») :
-
« Tout d’abord, il faut savoir qu’au
début je ne connaissais rien au « Développement Personnel » jusqu’à ce qu’on me dise que c’est
indispensable pour progresser au niveau du MLM »
- « J’ai rapidement compris que le Marketing
de Réseau est,
de tout ce que l’on connait, le business dans lequel s’appliquent le mieux ces principes,
parce que tous les revenus sont basés sur soi-même, sur le mérite et la
création de valeur. Avec le Marketing relationnel, nous sommes payés en fonction de ce que nous
valons mais
pas obligatoirement en fonction de ce que nous faisons. »
- « Dans le marketing de réseau, si nous avons un rêve,
un objectif et si nous sommes prêts à travailler pour le réaliser, rien ne peut
nous arrêter, sauf nous-mêmes. Pour ceux qui se sont construits avec une
attitude pour se faire gouverner et qui ont choisi des solutions de facilité
sans ambition : vous faites partie de ce groupe de personnes pour lesquelles il
est préférable de passer votre route le marketing de réseau n’est pas pour vous » (note de
l’auteur : c’est-à-dire tous ceux qui n’ont pas la même religion, les
« loosers »)
- « Le markéting de réseau est une véritable profession
(…) qui n’est pas ouverte à tous les esprits mais qui fait partie du monde que
nous construisons, du monde de demain. Contrairement à « l’ordre mondial », à
ses réductions d’effectifs, à cette compétition ou tout le monde se marche
dessus, le Marketing de Réseau offre l’occasion d’entretenir et de renforcer
des talents naturels et innés. Dans
ce type d’affaire, qu’est le succès ? C’est la chance de se développer
spirituellement, intellectuellement, émotionnellement et financièrement tandis
que nous contribuons d’une façon positive au développement des autres. »
Les sites de
MLM sont truffés de ces discours absolument délirants destinés à contredire les
accusations d’escroquerie. Mais ce qui est inquiétant, c’est que le vendeur
d’une chaîne pyramidale n’a plus conscience de faire quelque chose de
profondément malhonnête et inutile, il est bien au contraire convaincu de
« changer le monde », de s’accomplir et de former des leaders en
appliquant à la lettre les injonctions
du coaching. Voilà en quoi les
entreprises pratiquant le MLM sont des sectes. Il faut bien comprendre qu’il
n’y a là dedans rien d’anodin, le MLM détruit des familles et isole les
individus. Le vendeur MLM convaincu, adepte du DevPers, éloignera de lui ceux qui essaieront de lui expliquer
qu’il est engagé dans une arnaque et très vite, il ne sera plus qu’entouré des
membres du réseau qui seuls le « comprennent », et qu’il considérera très vite comme une « nouvelle famille ».
Illustration du montage financier
frauduleux de la vente pyramidale. Le MLM emploie massivement les méthodes de
DevPers pour trouver de nouveaux vendeurs et escroquer de nouvelles victimes.
Enfin, en
guise de conclusion, nous nous posons la question de savoir pourquoi de telles
pratiques, destructrices pour la société et les individus, ne sont la plupart
du temps réprimées que sur le fondement d’une très timide disposition du code
de la consommation (L 122-6 et svt) qui
prévoit une peine de seulement un an de prison. Pourquoi le juge français doit-il
se contenter de la qualification de publicité mensongère pour punir les responsables
d’ACN[14], plus grand groupe de MLM au monde ?
Pourquoi la France, si prompte à engager des réformes pénales à chaque nouveau fait
divers ne donne-t-elle pas les moyens aux juges de réprimer efficacement ces
pratiques en adoptant une législation ad hoc ?
Pourquoi permet-on à ces criminels de monter des structures toujours à la
limite de la légalité lorsque l’objectif frauduleux ne fait absolument aucun
doute ? D’où vient cette immunité si scandaleuse ? Serait-ce parce
que le grand magna de la vente pyramidale n’est autre que Donald Trump, multimilliardaire
américain et très proche de la mouvance DevPers,
pressenti un moment pour l’investiture à la présidence des Etats-Unis ? La
réponse à ces questions donnerait encore lieu à de multiples questionnements
qui sortiraient largement de notre propos, qui touche maintenant à sa fin, et
qui aura, nous l’espérons, ouvert les yeux du lecteur sur ces réalités
omniprésentes mais malheureusement trop peu souvent comprises.
Couverture d'un des ouvrages coécrits
par Robert Kiosaki, grand gourou du DevPers
américain, et Donald Trump, magna incontesté du MLM.
Raphaël M.
[1]
L’archétypologie néo-platonicienne de Jung —
avec, au centre du dispositif, la figure (védantique) du «Soi» et le «processus
d’individuation» — est en effet une donnée majeure des idéologies
politico-religieuses du New Age. Carl Gustav Jung fut fasciné par le nazisme de
1932 à 1940 ; il y voyait «l’expression de l’âme créative et intuitive.» (Revue
«Cultures», N° 24), L’Institut International de Psychologie jungienne n'a
reconnu ces faits qu'en 1999.
Luc Mazenc, Docteur en sociologie a soutenu, à l’université Pierre
Mendès-France de Grenoble II en 2001, une thèse dont le titre complet est : «
Les nouveaux mouvements religieux (NMR) et les nouveaux mouvements sociaux
(NMS) dans le procès de mondialisation. Pour une phénoménologie sociologique
des mutations de la modernité. (XIX-XXème siècles)." Il dira : « L’impact
de la pensée de Jung sur la dynamique d’émergence du New Age est fondamental ».
[2] Richard
Bandler et Paul Grinder, Les secrets de la communication, les
techniques de la PNL, Montréal, Broché,
1982.
[3]
Pour plus d’informations : Rappin
Baptiste « « Le talent du
coach » le new age et son
influence dans le coaching comme nouveau mode de régulation de la déception
sociale », Revue internationale de psychosociologie et de gestion des
comportements, 2011, 41 Vol. XVII pp. 157-170.
[4] Le changement d’ère dans le symbolisme
zodiacal n’est jamais qu’une autre manière d’appréhender la théorie des cycles
(âge d’or, âge d’argent, âge d’airain, âge de fer ou Kaliyuga). Croyant être les tenants d’un retour à l’âge d’or (ère du verseau), les tenants du
New Age sont en réalité la représentation ultime de l’humanité de la fin de l’âge
de fer. Cela est la conséquence de la profonde méconnaissance du Bouddhisme et
de l’Hindouisme dont le Théosophisme se fit l’écho.
[5] Quasi introuvable à la vente mais disponible
en PDF.
[6]
Là encore, pour aller plus loin : Roland
Gori et Pierre Le Coz L’empire des
coachs, une nouvelle forme de contrôle social, Albin Michel, 2006.
[7]
Voir René Guénon, Règne de la quantité et signes des temps
Chap. VIII Métiers anciens et industries
modernes.
[8] Voir Emile Durkheim, Le suicide, 1897, traitant des causes de la multiplication des
suicides anomiques dans les sociétés industrialisées.
[9] Pour s’en convaincre : Petit traité de manipulation a l'usage des honnêtes
gens de Joule et Beauvois aux éditions PUG. Des ouvrages traitant de ce
sujets et dévoilant les techniques de la PNL sortent périodiquement et sont
presque à chaque fois des best-sellers.
[10] Nous n’hésitons pas à affirmer que le
coaching est la version libérale des hôpitaux de redressement psychiatriques de
l’ex URSS.
[11] C’est-à-dire la division religieuse.
[12] Disponible sur le site de l’Assemblée
nationale
[13] Qualification pénale de l’escroquerie, Art 313-1 du code pénal : « L'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou
d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de
manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la
déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des
fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir
un acte opérant obligation ou décharge.
L'escroquerie
est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 375000 euros d'amende. » Le fait de la commettre dans le cadre d’un
mouvement sectaire constitue une circonstance aggravante.
[14]
ACN a été condamné en 2007 pour publicité
mensongère par la 31e chambre correctionnelle du tribunal de grande
instance de Paris à 15 000 euros d'amende. ACN n’a pas interjeté appel de ce
jugement. Les faits reprochés sont d'avoir laissé entrevoir par le biais de
publicités dans le quotidien Metro et
dans l’hebdomadaire Télé 7 Jours
renvoyant au site Internet, une indépendance financière, sans mentionner les
efforts nécessaires et la non-garantie du succès.